Les Côtes barbares, Pilleurs d'épaves et sociétés littorales en France (1680-1830)
EAN13
9782213647319
Éditeur
Fayard
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

Les Côtes barbares

Pilleurs d'épaves et sociétés littorales en France (1680-1830)

Fayard

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782213647319
    • Fichier EPUB, avec DRM Adobe
      Impression

      Impossible

      Copier/Coller

      Impossible

      Partage

      6 appareils

    15.99

Autre version disponible

Jusqu'au milieu du siècle dernier, les habitants de la plupart des régions
littorales furent tenus pour des demi-sauvages rebelles à l'autorité venue du
dehors et sur qui l'effort séculaire de civilisation des moeurs n'avait
produit que peu d'effets.

Il est vrai qu'ils étaient à peu près coupés de l'intérieur et que leur
environnement les différenciait des populations d'une France terrienne qui
s'intégrait lentement mais sûrement. Pour une part, ils vivaient d'activités
s'apparentant à la cueillette: pêche, récolte du varech et, quand les flots se
montraient généreux, récupération de marchandises ou d'éléments de navires
venus s'échouer sur les côtes. Tout ce que la mer apportait à ces gens pauvres
et frustes était pour eux un don du Ciel: quelques bouts de bois pour se
chauffer, un morceau de fer pour fabriquer un outil, une guenille, les grands
jours une barrique de vin ou même quelque denrée coloniale à monnayer...
Comment demander à ces communautés de croire, comme on voudrait les en
convaincre, qu'ils commettent là un péché grave, qu'ils lèsent le roi,
c'est-à-dire l'Etat (à qui reviennent en principe les épaves) et se comportent
en barbares? La répression, parfois brutale, souvent maladroite, toujours
source de malentendus, ne fait que souder davantage encore des populations
unies par une solidarité profonde: on refuse de parler et surtout on ment aux
enquêteurs, et il n'est pas rare de voir des curés, des seigneurs fermer les
yeux _ quand ils ne tirent pas eux-mêmes profit de ces trafics illicites.

De là à diaboliser les gens des côtes et à leur prêter les pratiques les plus
inhumaines, il n'y a qu'un pas, qui sera franchi à l'époque romantique par les
écrivains et les folkloristes des villes. On assure qu'ils allument des feux
la nuit pour tromper les navires en difficulté, qu'ils massacrent
impitoyablement des équipages entiers, qu'ils mettent ensuite les cargaisons
en coupe réglée... Le mythe acquiert alors une vigueur telle qu'il a encore
cours aujourd'hui, même si les historiens ne trouvent rien de tel dans leurs
dossiers et même si les plus élémentaires règles de la propagation de la
lumière s'inscrivent en faux contre cette fable...

Agrégé d'histoire, docteur ès lettres, chargé de recherche au CNRS,
spécialiste de l'histoire des sociétés maritimes sous l'Ancien Régime, Alain
Cabantous a déjà publié chez Fayard Le Ciel dans la mer. Christianisme et
société maritime, XVIIe siècle (1990).
S'identifier pour envoyer des commentaires.