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    12 octobre 2011

    Un réinterprétation du magicien d'Oz à couper le souffle !

    Fan du Magicien d’Oz depuis toute petite (dont j’ai vu le film un nombre incalculable de fois), j’attendais beaucoup de ce « Wicked ». Gregory Maguire se propose de réécrire le mythe d’Oz, en nous narrant la vie de la méchante sorcière de l’Ouest, celle-là même que Dorothy se doit de tuer dans l’histoire originale. Beaucoup d’attente, et pour finir un coup de cœur pour ce roman drôle, perçant et abouti qui m’a bluffée.

    Première constatation, « Wicked » s’adresse aussi bien à ceux qui connaissent le magicien d’Oz qu’aux autres. Peu de chance que vous soyez perdu si vous ne connaissez rien aux souliers magiques et aux Animaux, tout est repris depuis le début du mythe, et même au-delà, « Wicked » se présentant un peu comme une introduction au monde d’Oz. Qu’est-ce qui a poussé la méchante sorcière de l’Ouest a tant de cruauté ? Pourquoi est-elle devenue une sorcière et comment lui est venue une telle obsession pour les souliers magiques de sa sœur ? Et si la méchante sorcière n’était finalement pas si mauvaise que ça ? C’est le parti pris par Gregory Maguire qui humanise la sorcière dans ce roman, en lui donnant un nom - Elphaba - ainsi qu’une famille, et en retraçant sa naissance, son enfance jusqu’à sa mort sur laquelle le roman s’achève.

    Le récit s’écarte très rarement de la trame originelle, l’auteur s’ingéniant principalement à épaissir la toile de fond du monde d’Oz, en lui fournissant un contexte historique et politique, avec ses différentes régions, sa religion, ses conflits d’opinion, etc. Comme si Gregory Maguire cherchait à parachever l’œuvre de L. Frank Baum... Force est de constater qu’il y réussit avec brio et doigté, « Wicked » pouvant se lire sur deux échelles différentes : l’hommage rendu envers un mythe de la littérature enfantine, mais aussi une réinterprétation plus adulte, plus profonde qui pousse à la réflexion. L’auteur fait d’Elphaba une humaniste, une révoltée, qui se bat contre l’oppression des Animaux, contre l’exploitation des Quadlings dont on pille les marais pour une poignée de rubis. De nombreux thèmes porteurs s’immiscent ainsi dans la trame fantastique : racisme, ferveur religieuse, oppression des peuples, pillage des ressources, industrialisation forcée, etc. Jusqu’à dénoncer la fameuse route de brique jaune qui ne fait que détruire la nature au nom d’un urbanisme forcené... Bref, vous l’aurez compris Gregory Maguire soigne son décor et son contexte, et fait réfléchir son lecteur qui se retrouve plongé dans un monde complexe et inspiré.

    Au-delà de l’intrigue politique et historique, Gregory Maguire nous propose une lecture amusante et gentiment grivoise du monde d’Ozma. A commencer par l’humour pince-sans-rire dont use et abuse l’auteur tout au long du récit. Ainsi la mère d’Elphaba est une femme aux mœurs un peu légère qui trompe son mari par ennui, le mystérieux spectacle de l’Horloge du Dragon du Temps pousse les gens à la débauche, sans parler de l’obscur Club de Philosophie qui pervertit les esprits... Je dois dire que je ne m’attendais pas à trouver autant d’humour - même grinçant - dans Wicked et j’ai été agréablement surprise. On rit (un peu jaune) parfois, on ricane et on se laisse porter par le charme qui se dégage de la plume de Gregory Maguire. Le ton est alerte, gaillard et pétillant, les dialogues particulièrement sémillants, on ne s’ennuie pas une seconde. Néanmoins, et pour toutes ses raisons, « Wicked » n’est pas fait pour les enfants, peu importe que sa genèse soit un conte enfantin, le roman de Gregory Maguire, n’en étant pas un. A réserver aux ados et aux adultes, « Wicked » est un roman réussi, drôle et brillant, qui non seulement rend hommage au « Magicien d’Oz » de L. Frank Baum, mais en beaucoup de points, le surpasse. A lire d’urgence !

    En bref, « Wicked » est un roman abouti et pénétrant qui, plus qu’il ne revisite le mythe, le réécrit en l’étoffant. Alternant entre des scènes cocasses et des réflexions plus studieuses, « Wicked » amuse et surprend par son ton grinçant (voire lascif par moment) et ses allégories qui dénoncent beaucoup de travers historiques. Passer outre les sous-entendus du roman ne servirait qu’à déprécier ce roman et à ignorer tout son potentiel. Une lecture parfaite à partir de 15 ans.