1910, une épidémie de peste se déclenche à Harbin, une ville nouvelle de Mandchourie, en Chine où coexistent chinois, russes et japonais. La vie tranquille de ses habitants est à présent bouleversée. L’auteure s’attache à décrire les différentes catégories sociales et les habitudes, entre traditions et modernité, bousculées par le désastre sanitaire annoncé. A travers les descriptions des familles, des quartiers et des métiers de la vieille ville, nous sommes au cœur de l’enjeu de la survie qui se joue pendant plusieurs mois. Nous suivons de nombreux personnages hauts en couleurs dans leurs différentes perceptions de la maladie et leurs actes altruistes ou égoïstes. Nous sommes aussi happés par la course contre la montre engagée par les efforts des médecins locaux et étrangers, en première ligne, pour juguler tout risque de propagation du virus. Le cosmopolitisme de la ville, les us et coutumes, la médecine traditionnelle sont également mis à rude épreuve. A la fin de l’épidémie, les cartes ont été rebattues, les survivants ne verront plus leur ville du même œil, la chance a tourné pour certains, le sort funeste a décimé ici ou là des familles entières, des opportunités favorables sont nées pour d’autres. Le travail de recherche documentaire de l’auteur est à souligner tout comme son style fluide et poétique. Toute ressemblance avec le contexte pandémique actuel est évidemment tout à fait fortuite !
Le dernier roman de Tonino Benacquista mélange avec humour et tendresse, héros de séries télévisées et personnages de l’histoire principale. Leo est en peine d’amour et de reconnaissance, suite à un accident médical qui le laisse défiguré. Son entourage s’inquiète, mais ne lui est d’aucun secours, aussi il prend la décision de les quitter pour un monde meilleur, celui des héros de séries télévisées. Du fond de sa chambre obscure, Léo passe derrière le miroir et occulte sa propre vie sans ambition et en voie de dislocation. L’auteur nous régale avec des portraits attachants : Harold, un écrivain en panne d’inspiration et à qui on a lancé le défi d’écrire sa plus belle histoire d’amour, Richard, un businessman qui joue au Dr Jekyll et M. Hyde, une assemblée d’alcooliques anonymes qui ne cessent de replonger avec délices. En s’immisçant dans leurs vies dont il tente d’infléchir le cours, c’est sa propre vie qu’il va reprendre en main. « Quoi de plus dérangeant qu’un personnage qui refuse de se rendre lisible » écrit l’auteur qui est passé maître dans l’art d’écrire plusieurs histoires qui se trouvent résumées dans une seule. Une lecture jubilatoire !
Mychkine, paysagiste indien à la retraite, se prépare à mettre en ordre sa fin de vie en entamant la rédaction de ses mémoires, riches de souvenirs olfactifs et de la nostalgie de son enfance, brisée à 9 ans par le départ soudain de sa mère dont il apprendra les véritables raisons à travers la découverte de lettres de celle-ci. Ainsi, le récit progresse entre deux journaux intimes se faisant écho. Les souvenirs de Mychkine reviennent sur une enfance écartelée entre deux familles très éloignées culturellement, deux éducations radicalement opposées, l’une, masculine enclin au respect des valeurs et traditions indiennes et l’autre, féminine portée sur la nature et les arts. La correspondance de sa mère révèle son anti-conformiste, sa volonté de se libérer des convenances et des obligations sociales et son rêve de vivre de sa passion, la peinture, en s’exilant à Bali, entourée d’artistes ouverts aux influences multiples qui traversent le monde du milieu du 20ème siècle. Dans le contexte de l’Inde entre 1937 et 1950 vivant des bouleversements politiques majeurs, l’auteure nous invite à suivre l’émouvante trajectoire avortée d’une rebelle qui lègue à son fils l’amour de la nature, des choses simples et vraies et la liberté de vivre. Enfin, ce roman est une belle réflexion sur le temps qui fixe tout autant qu’il dissout : comment revisiter le passé, se remémorer et écrire sans induire des émotions parfois contradictoires.
Luce Notte, étudiante berlinoise dont la thèse est consacrée aux bibliothèques incendiées, côtoie Franz Kafka en 1912 à Prague alors qu’elle est employée dans la demeure familiale. En 1951, alors devenue libraire, elle fait la connaissance de Sadegh Hedayat, auteur iranien en exil. Entre ces deux lieux et périodes, elle n’a eu de cesse de chercher en vain son père qui l’a abandonnée à sa naissance. Marquée par ces deux figures masculines, aux destins contrariés et tourmentées par les affres de la création littéraire, elle se construit sans père. Elle est tour à tour confidente, inspiratrice et amante spirituelle pour ces écrivains qui ont en commun un réel talent et sens du désespoir. Luce Notte, lectrice passionnée, qui vit par et dans les livres, met toute son énergie à sauver autant ces artistes que leurs œuvres. Elle est celle par qui la transmission s’effectue, comme si l’absence de père l’autorise à jouer ce rôle de muse. Parsemé d’histoires d’autodafés, ce roman est dense, riche et profond en abordant de nombreux thèmes : l’écriture, l’inventivité à l’épreuve du réel, la création et l’isolement, l’omniprésence ou l’absence de figure paternelle. Le style incisif, énergique et lyrique nous entraîne à la fois dans les souffrances et les bonheurs de la création littéraire et dans une quête des origines et la construction d’une personnalité. Un moment de lecture précieux !
Luce Notte, étudiante berlinoise dont la thèse est consacrée aux bibliothèques incendiées, côtoie Franz Kafka en 1912 à Prague alors qu’elle est employée dans la demeure familiale. En 1951, alors devenue libraire, elle fait la connaissance de Sadegh Hedayat, auteur iranien en exil. Entre ces deux lieux et périodes, elle n’a eu de cesse de chercher en vain son père qui l’a abandonnée à sa naissance. Marquée par ces deux figures masculines, aux destins contrariés et tourmentées par les affres de la création littéraire, elle se construit sans père. Elle est tour à tour confidente, inspiratrice et amante spirituelle pour ces écrivains qui ont en commun un réel talent et sens du désespoir. Luce Notte, lectrice passionnée, qui vit par et dans les livres, met toute son énergie à sauver autant ces artistes que leurs œuvres. Elle est celle par qui la transmission s’effectue, comme si l’absence de père l’autorise à jouer ce rôle de muse. Parsemé d’histoires d’autodafés, ce roman est dense, riche et profond en abordant de nombreux thèmes : l’écriture, l’inventivité à l’épreuve du réel, la création et l’isolement, l’omniprésence ou l’absence de figure paternelle. Le style incisif, énergique et lyrique nous entraîne à la fois dans les souffrances et les bonheurs de la création littéraire et dans une quête des origines et la construction d’une personnalité. Un moment de lecture précieux !