Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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29 septembre 2017

Tome 2 des -excellentes- aventures de Tonton et sa bande ; vous reporter à mon précédent billet pour comprendre pourquoi je lis le 2 maintenant alors que j'ai déjà lu le 6 et tous les autres. C'est dans ce volume que l'on fait connaissance avec Donatienne de Gayrlasse qui deviendra la bonne de Tonton, et hop, l'équipe est complète. Plonger Tonton et sa bande dans le monde délicat et feutré de l'aristocratie, mais quelle mouche a piqué Samuel Sutra ? Bon, pour la mouche, je ne sais pas mais elle devait avoir de lourds antécédents. Par contre, le monde délicat et feutré vole en éclat et s'il n'adopte pas les mêmes codes que celui de la truande on ne peut pas dire qu'il soit plus glorieux, par exemple, la description de Donatienne : "La dame, d'une cinquantaine bien secouée, mais à la mise impeccable, aux souvenirs de Tonton, était la riche descendante d'une longue lignée de militaires qui s'étaient transmis le sang bleu de génération en génération, à grands coups de consanguinité. L'arbre généalogique devait compter certaines branches ayant donné plus de fruits que de noyaux. Lignée remontant, à ce que l'on disait, à des temps forts reculés, où l'on se battait à mains nues et à pied, le cheval n'ayant pas encore été inventé." (p.9)

Que dire que je n'aurais pas dit sur un roman avec Tonton ? C'est difficile tant à chaque fois, je me régale, je me marre, j'apprends de nouvelles tournures d'argot que je suis bien incapable de retenir, non pas que je sois coincé et que je répugne à user de vocables un rien familier voire pire, mais tout simplement parce que je ne les retiens pas. Il m'a fallu des visionnages et des visionnages des Tontons flingueurs (pas cités innocemment, bien entendu) pour en retenir quelques mots et pareil pour les excellents OSS 117 (mais là, il n'y a pas trop de rapport sinon que j'aime). L'autre référence, hors Audiard, Dard et Lautner, et qui est notée dans la très courte biographie de l'auteur en fin de volume est Alexandre Astier et son Kaamelott, et c'est vrai que le langage pratiqué par l'un et par l'autre se ressemblent ou du moins procurent le même plaisir. Visualisez cette scène : Gérard qu'on pourrait aisément qualifier d'abutyrotomofilogène -mot trouvé sur divers sites et qui signifie "qui n'a pas inventé le fil à couper le beurre", il y en a tout plein de mots comme ça rares, inventés, oubliés, désuets, c'est marrant à replacer dans un papier-, donc Gérard entre dans un bar gay -déjà c'est dur à imaginer- à la recherche de sa cible et demande :

"- Je cherche un mec, avoua-t-il.

Le serveur le dévisagea, parcourant la piste des yeux comme pour vérifier la nature de l'endroit.

- Tu déconnes ? Tu rentres dans un bar gay et tu cherches un mec ? T'es du genre à bouffer quand t'as faim, ma grande. Ça me chavire, les gars comme toi. Le mystère... L'imprévu..." (p.102)

Moi aussi, ça me chavire, si vous ça ne vous fait rien, je ne peux rien pour vous si ce n'est vous prescrire une dose maximale de Tonton pour vous dérider, maintenant qu'ils sont tous parus chez Flamant noir, commencez par le numéro 1, puis le 2, etc etc... Si au contraire vous aussi ça vous chavire, eh bien, commencez par le 1, le 2 etc etc...

10 philosophes, 10 approches du bonheur.

Rue de Sèvres

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29 septembre 2017

Prenez un ignare comme moi en philosophie, qui tente pourtant de faire entrer dans sa tête des théories et des noms de philosophes, qui y réussit parfois et péniblement, mais qui ne parvient pas à lier les deux, à mettre un nom sur une approche ; mettez-lui en main ce formidable album de bande dessinée qui résume les propos de quelques grands penseurs, et vous faites un heureux. Ça tombe bien, puisque le thème c'est le bonheur, et à travers ce thème, les auteurs expliquent les méthodes et pensées générales des philosophes dont il est ici question. Platon et son "Connais-toi toi même" ouvre le livre et ne me laisse pas insensible, j'aime bien Épicure aussi, Montaigne, Descartes et Nietzsche. Schopenhauer avec son "Le bonheur ? simple question de volonté !" semble inaccessible mais tend vers est un bel objectif. J'ai un peu moins adhéré aux autres, Pascal est trop religieux pour moi, tant pis, j'irai en enfer -mais comme je n'y crois pas plus qu'au paradis...-, Sénèque fait peur, Kant est quand même un peu coincé, quant à Bentham, il ne m'a pas convaincu avec son bonheur pour tous, son utilitarisme. Si un philosophe passe par ici qu'il veuille bien me pardonner tous ces raccourcis.

Pour ce qui est de l'album, ce qui est bien, c'est que l'humour est omniprésent et apprendre en s'amusant c'est quand même un plus indéniable, n'en déplaise à Kant. Anne-Lise Combeaud dessine merveilleusement les détails qui font sourire et même les plus renfrognés des philosophes, Kant, Sénèque, Schopenhauer ou Nietzsche me font rire. Il faut dire qu'ils se retrouvent parfois dans des situations difficiles pour ne pas dire ridicules. Les fiches récapitulatives, sous forme de révisions ou de jeux sont également très bien faites et drôles. Extrêmement pédagogique, cet album sera à mettre entre toutes les mains -attendre l'âge de raison- au moins dans celles de nos lycéens qui réviseront ainsi les grands raisonnements des philosophes célèbres, néanmoins, ne pas oublier de leur dire qu'en citant leurs sources, il citent plutôt le philosophe que la BD, ça risque de faire tache sur un devoir de baccalauréat. Peut-être y aura-t-il d'autres titres de Philocomix, avec d'autres penseurs ou d'autres thèmes ? Je suis preneur; après, quand je replace tout ça dans mes discussions, j'ai l'impression d'être hyper balèze.

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29 septembre 2017

L'éditrice présente ce roman comme une dystopie = "une société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou idéologie néfaste, telle que la conçoit un auteur donné" (merci Larousse). C'est un récit de science fiction. Primo, la SF, ce n'est pas mon truc. Deuxio, euh, eh bien, il n'y a pas de deuxio, ni de tertio, parce que malgré mon primo, j'ai adoré ce bouquin. Ce roman qui associe aventures, destinée, personnages divers on ne peut plus tourmentés, questions philosophiques d'actualité, le tout mené sous une forme originale qui alterne les points de vue, et ajoute des extraits de livres (fictifs), des poésies subversives interdites, des articles de presse, des interviews, des extraits des divers règlements, m'a emballé dès le début jusqu'aux ultimes lignes.

La société que décrit Jaroslav Melnik semble lointaine et elle l'est, mais sous certains aspects, nous nous en approchons : "Notre espace proche nous a serrés dans son étau et nous a étouffés. Nous trouvons cette asphyxie délicieuse, telles les vapeurs de vins qui nous tournent la tête et nous plongent dans une détente désirable. [...] Nous vivons en parfaite symbiose avec nos radiophones, avec nos capteurs sur lesquels nous sommes complètement concentrés. Nous ne concevons notre vie que sous le joug de cette interférence. Mais qui sommes-nous en tant qu'individu ? Si nous avons perdu notre moi profond, comment pouvons-nous éprouver des sentiments pour une autre personne ?" (p.91/92) Les questions du sectarisme, du nationalisme, de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la révolution, des plus riches -pas forcément pécuniairement- qui ne veulent pas partager la source de leur richesse, du pouvoir, du bonheur sont abordées sous l'angle philosophique, mais aussi sous l'aspect romanesque. D'autres questions font jour également, concernant la technologie et son apport mais aussi sa part de déshumanisation de la société, la sécurité à tout prix et bien sûr la liberté et ce que l'homme est prêt à sacrifier pour l'obtenir.

Chacun pourra y trouver son compte, l'amateur de roman SF -ou pas-, l'amateur de roman philosophique, l'amateur de roman d'aventures (pour tous mes "amateurs" lisez aussi "amatrices", puisque ce roman n'est pas réservé aux garçons, son public serait trop restreint). Un -nouveau- très bon choix de la maison Agullo, formidablement traduit -autant que je puisse en juger, je ne parle pas le lituanien, car bien qu'Ukrainien, Jaroslav Melnik écrit en lituanien et en ukrainien- par Margarita Barakauskaité-Le Borgne. Mise en page et couvertures toujours très réussies, une sensation à coup sûr de cette rentrée littéraire.

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29 septembre 2017

Voilà une bande dessinée bien plaisante, qui joue pas mal avec les références du genre. De l'aventure, de l'humour, on pourrait se croire dans Tintin, surtout si je vous parle d'un vieil écrivain baroudeur et barbu prêt à tout pour une bonne bouteille de whisky, d'un dessinateur maladroit -il est seul et n'a pas de grosse moustache, sinon on aurait pu croire à un Dupond ou un autre Dupont. Les paysages blancs et encore peu abimés par l'homme sont bien présents, le message sur la préservation de la planète est léger mais néanmoins bien là lui aussi. S'il met sans doute pas mal de lui dans Georges, il ne nous cache pas ses angoisses avant de prendre la décision de partir, jusqu'au dernier moment et même pendant le voyage.

Tanquerelle est né à Nantes, quelle bonne idée, mais ce n'est pas pour cette raison que je trouve son album très bien. Non, même si un peu de chauvinisme ne nuit pas, son ouvrage est bien tout simplement parce que j'ai passé une heure très agréable au Groenland, j'ai ri, souri et apprécié les aventures de ses personnages bien sympathiques -enfin, pas tous mais je laisse un peu de suspense.

18,90
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1 septembre 2017

La Muette, c'est cette cité de Drancy, construite au début des années 30 pionnière en matière d'habitat à loyer modéré. Pendant la seconde guerre mondiale, La Muette deviendra le camp de Drancy dans lequel seront internés avant déportation quasiment tous les juifs partis de France à Auschwitz.
Soixante-dix ans plus tard, Elsa, une rescapée témoigne de son internement auprès d'un historien. Puis Nour, un jeune homme habitant la cité de La Muette, de nos jours y raconte son quotidien.
C'est donc un double dialogue auquel Alexandre Lacroix nous invite. A coup d'alternance des intervenants, il construit deux histoires, fictives, mais tellement réalistes. Les deux narrateurs ne se rencontrent pas vraiment, mais leurs histoires ont en commun, celle de Nour, ne peut pas faire l'impasse sur celle d'Elsa. En fait, contrairement aux romans à plusieurs voix dont on sait qu'elles vont se rejoindre, on sent dès le départ que celles-ci ne se rencontreront pas, mais ce n'est pas un souci, c'est au lecteur de faire ce travail. C'est notre cerveau qui lie la vie d'Elsa et celle de Nour.


Alexandre Lacroix écrit les deux histoires différemment : Elsa est directe, sobre, elle peut user parfois d'un humour, d'une ironie du désespoir, mais souvent son histoire est émouvante, terrible et instructive. Le camp de Drancy, bien sûr que je connaissais, mais je n'y pense pas tous les jours et j'avais un peu oublié son histoire. Si le romancier n'invente rien dans le genre du récit d'une déportée, il a la bonne idée de nous remettre en tête le rôle de la France dans l'internement et la déportation des juifs. Des faits et encore des faits incarnés par Elsa.

Nour est un tchatcheur, un petit mec des banlieues qui parle verlan et moderne, zone avec ses potes, notamment Jamie et Samantha. Interrogé par un policier pour une affaire qui se révèle sur la fin, il raconte sa vie dans cette cité particulière, au lourd passé.

Un double roman qui laisse un besoin de creuser la piste de La Muette, et je suis allé me renseigner sur des sites pour en apprendre un peu plus. Je croyais naïvement que le camp avait été détruit et une cité reconstruite dessus, mais non, les habitants actuels vivent dans les mêmes bâtiments que les juifs internés. J'ai vu également qu'il existait un film, La cité muette, de Sabrina Van Tassel, que je vais tenter de visionner. Un roman qui fait réfléchir le lecteur et l'instruit tout en lui donnant l'envie de continuer à apprendre sur son contexte, j'aime beaucoup. C'est aussi à cela que sert la littérature. Mission accomplie par Alexandre Lacroix.

PS : une courte postface explique la genèse du texte ainsi que les raisons de sa parution cette année, alors qu'il est écrit depuis plus de deux ans.