Le slynx

Entre "1984" d'Orwell et "Fahrenheit 451" de Ray Bradbury, mêlant mœurs et légendes de l'ancienne Russie, un roman éblouissant servi par une écriture flamboyante.
Trois siècles après une explosion nucléaire, la Russie a basculé dans un nouvel âge de fer fortement mâtiné de totalitarisme. L'humanité a subi d'étranges mutations... Certains individus sont dotés de membres multiples, d'autres ont l'apparence de centaures, crachent du feu... Les hommes sont frustes, méchants et dénués de curiosité. Ils ont oublié l'art du feu, de la poterie, de la médecine, vivent dans la saleté et se nourrissent de souris. Comme dans un tableau vivant de Bosch, le grotesque et la satire le disputent au fantastique.Dans ce monde d'ignorance, où il est interdit de posséder des livres, la passion de lecture d'un jeune lettré, Benedikt, va le conduire dans une quête acharnée d'ouvrages anciens. Cette obsession l'amènera à devenir un féroce fonctionnaire des services sanitaires du régime et à arrêter les personnes en possession de livres, pour les leur voler. Au fur et à mesure de son ascension, il sera rongé par une peur irrationnelle: celle d'être la victime du slynx, un félin imaginaire, invisible et affamé qui vous tue si jamais vous venez à penser à lui – une métaphore de la cruauté, de l'égocentrisme et de l'aveuglement moral qui peuvent dévorer les hommes. Tatiana Tolstoï use dans ce premier roman d'une écriture à la fois ludique et truculente, qui superpose réminiscences littéraires des temps anciens, déformations linguistiques et inventions pures. Une fête du langage réjouissante.