• Conseillé par
    11 décembre 2014

    noir, nostalgique et grinçant

    Physiquement, Marcus Malte ressemble à un jumeau placide de Patrick Juvet, chanteur oublié des années 80. Difficile en revanche de lui trouver une parentèle pour ce qui est de l'écriture de nouvelles, un genre dans lequel Marcus excelle. Qu'elles soient noires, ou simplement romanesques.

    Deux textes composent ce petit bijou de noirceur. " Fannie et Freddie " ouvre le bal. L'ambiance flirte du côté de Stephen King, puis bascule dans un registre à peine moins oppressant. L'auteur y campe Fannie, jeune femme décrite comme une Minerve borgne. Dans un quartier de New York, elle kidnappe un golden boy appelé Freddie avant de le conduire dans une ville paumée, comme vidée de ses habitants. Un de ces lieux qui illustre bien la désindustrialisation, bourgade où la misère sociale a pris le pas sur tout le reste, maisons en décrépitude, commerces faméliques, rues désertes... Vous serez peut-être pris d'affection pour cette apprentie criminelle après la découverte de ses motivations, qu'elle-même raconte à son otage. Peut-être pas, et juste soulagé, à la fin de l'histoire, tant la tension distillée en si peu de pages vrille l'esprit des plus sensibles.

    La seconde nouvelle invite en bord de mer. " Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas " met en scène un drôle de lieutenant de police, Ingmar Perhsson, hanté par le souvenir du décès, brutal et tragique, de Paul, l'ami de jeunesse qui s'est pris une balle dans la tête à 14 ans. Trouver le responsable, autant d'années après ce drame, est le carburant de ce flic solitaire qui erre, comme un fantôme armé, dans cette ville de chantiers navals en fin d'existence. Et peut-être vaut-il mieux que Perhsson, rongé par la culpabilité comme les carcasses de vieux chalutiers le sont par le sel, ne retrouve pas son assassin. Car, dès lors, quelle autre vérité chercher ? Ce texte, nostalgique à souhait, évoque aussi un monde perdu : celui des ouvriers et marins de l'âge d'or des villes portuaires. Une époque qui vit grandir Marcus Malte, du côté de la Seyne sur Mer...

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  • Conseillé par
    30 novembre 2014

    Un huis-clos sur fond de vengeance. La tension monte crescendo, pour nous lecteur, parce qu'on ne connaît pas le motif de l'enlèvement ni les relations entre Fannie et Freddie, l'homme agressé. Ce n'est que petit à petit que Fannie s'explique, que Freddie (ne) comprend (pas) les raisons de son geste.

    Une nouvelle ou un court roman d'à peine 90 pages qui se déroule aux Etats-Unis, dans une ville sinistrée par la fermeture de l'aciérie locale. Pourtant cette usine et les gens qui y ont travaillé ont construit le pays, oubliés maintenant, victimes pour beaucoup du capitalisme outrancier et de la spéculation. "Elle dit : Je te parle de ceux qui ont l'argent et le pouvoir. Les tout-puissants. Les tout-permis. Ceux qui ont atteint les sommets de ce qu'on appelle la réussite. Ceux qui sont au-dessus de tout. Mais comment. Comment ils ont fait pour arriver là-haut, si haut ?... En écrasant les autres. C’est comme ça qu'ils font. Ils les piétinent. Ils leur marchent sur la tête, ils leur passent sur le corps. Et les cadavres s'accumulent sous eux. Des tas et des tas, sur lesquels ils continuent de grimper. Grimper, grimper, grimper. Tu peux être sûr que plus ils s'approchent du ciel, plus ils ont de morts sous leurs godasses." (p.59/60) Un roman noir social, en plein dans l'actualité de la crise et de la vie difficile pour les plus pauvres qui continuent à s'appauvrir alors que les riches n’ont jamais été aussi riches. Un roman rapide, aux phrases courtes qui va à l'essentiel sans oublier les personnages, fictifs mais sans doute très réels pas dans leur jusqu'au-boutisme, mais dans leurs difficultés à surmonter l'échec d'une vie ou au contraire dans leur manque d'empathie envers les plus faibles voire même leur mépris.
    Ce roman est suivi d'une nouvelle d'une soixantaine de pages, intitulée Ceux qui construisent les bateaux ne le prennent pas. Les deux textes se répondent, ont un contexte similaire, même si ce dernier se déroule à La Seyne-sur-Mer, ville natale de Marcus Malte. La Seyne-sur-Mer était connue pour ses chantiers navals abandonnés depuis des années. Depuis, cette ville populaire -c'est rare dans le coin- des bords de la Méditerranée a du mal à se reconstruire. Le souvenir des chantiers est très vivace, on y travaillait de père en fils ; les fils d'aujourd'hui sont au chômage. C'est là que travaille Ingmar Perhsson, flic, qui depuis vingt-sept ans cherche à comprendre la mort de son seul ami, Paul, tué d'un coup de P 38, à l'âge de 14 ans. Il déambule en ville, tente de comprendre et de s'occuper pour que son mal-être ne le submerge pas. Un texte dans la lignée du précédent avec un héros de polar type, blasé, mal dans sa peau, solitaire.
    Dans ces deux textes, Marcus Malte nous balade dans des villes ouvrières à la reconstruction ardue qui laissera beaucoup de gens sur le côté. Pas gai, bien sûr, mais franchement bien vu, et l'écriture de l'auteur nous emmène jusqu'au bout de ses deux histoires sans qu'on ait vu passer le temps.