2, Blacksad, Artic-nation

Juan Diaz Canales

Dargaud

  • Conseillé par
    25 avril 2011

    Arctic-Nation - Kayleigh, gamine noire du quartier The Line, a été enlevée. Sa mère n'a pas alerté la police et c'est l'institutrice de l'enfant qui contacte Blacksad. Dans le quartier, les membres de Black Claws et ceux d'Arctic-nation s'affrontent et s'accusent mutuellement de l'enlèvement. Sur fond de guerres raciales et de projet eugénique, Blacksad mène une enquête qui chatouille les susceptibilités et révèle les secrets de certains notables. Aidé par le journaliste Weekly, belette sympathique mais malodorante, le bel inspecteur félin va toujours là où on ne l'attend ni ne le souhaite pas.

    Dans ce deuxième volume, l'anthromorphisation des animaux est plus simple, mais toujours radicale : d'un côté se tiennent les animaux blancs, polaires, immaculés et prétendument purs, de l'autre se dressent les animaux noirs, zébrés, colorés et fiers de leur diversité. Subtilement, l'histoire rappelle les dérives de l'Allemagne nazie : l'emblème d'Arctic-Nation est une étoile polaire blanche sur fond noir et rouge, portée sur des brassards par des sbires albinos zélés. La différence de caractère ne se fait plus en fonction de l'espèce animale, mais en fonction de la couleur du pelage. Si Blacksad est noir comme suie, son âme est noble. L'aveuglante blancheur de Karup, l'ours polaire, dissimule une sombre tâche issue de son passé. Sans tomber dans un manichéisme simpliste, l'intrigue de ce second volume sait différencier les bons des mauvais. L'image se plie subtilement à ce jeu de couleur de peau.

    On retrouve le caractère désabusé de John Blacksad."Un jour, je publierai mes mémoires. J'ai vécu tant de situations incroyables que tout le monde pensera en les lisant que c'est un ramassis de mensonges ; que tant de méchanceté ne tient pas dans ce monde. Je ne serais même pas surpris qu'on finisse par les publier comme si c'était un roman policier... ça se vendrait à merveille. Les gens aiment bien le morbide." (p. 3) On peut entendre dans cette tirade une réflexion humoristique sur le genre policier et ses lecteurs. Blacksad est toujours cynique. Son célibat, ce que son métier lui donne à voir et le constat d'un siècle qui s'enlise après la seconde guerre mondiale ne lui laissent que peu d'espoir sur la nature humaine :"Une évidence s'est imposée à moi : la bombe atomique et les drive-in étaient des symptômes indubitables de l'imminente autodestruction du monde." (p. 13) Cette réplique annonce en partie le tome à venir.

    Ce deuxième volume est plus complexe que le premier. Sous-tendue par une sordide histoire familiale, l'intrigue est plus tortueuse et Blacksad gagne encore en épaisseur. Nul doute que mon plaisir n'ira qu'en augmentant avec les prochains tomes.